Quand Sœur Marie-Catherine est arrivée en France en 1947, quittant pour la première fois son Laos natal, sa première vision du couvent de Haute-Savoie qui allait être pour un temps son chez-elle n’a pas été très joyeuse. Devant elle, les arbres du verger dépouillés par le froid hivernal lui donnaient l’impression d’un cimetière. Une de ses premières questions à la Mère Supérieure fut toute simple : « Pourquoi ne prenez-vous pas soin des arbres ici ? ». Au Laos, la plupart des plantes restent vertes toute l’année, et Sœur Catherine n’avait jamais vu l’hiver…
Il y a quelques jours, j’étais installé sur le siège passager du 4x4 d’un de mes responsables de projets. Nous roulions le long de la route qui mène de Savannakhet à Seno et sur un bord de celle-ci, j’aperçus pour la première fois les plantes qui donnent des ananas. Moi qui imaginais un arbre de bonne taille, quelle n’a pas été ma surprise de trouver des plants n’arrivant pas à mi-hauteur d’homme… Une découverte qui ne passe pas 4 pattes à un canard, me direz-vous, ni 9 pattes à une araignée d’ailleurs. Toutefois, le soir, je me pris à réfléchir à mon étonnement. Je n’avais jamais vu d’arbre à ananas avant ; pourquoi avais-je été surpris de découvrir un si petit végétal ?
A y réfléchir plus avant, en quelques dix mois ici, c’était en fait tout mon univers végétal qui s’était effondré. Les noix de cajou sont en fait des fruits ; le gros appendice gorgé de jus sucré et horriblement astringent qui les surplombe n’en est pas un lui ! Les cacahuètes poussent dans la terre, mais ne naissent pas d’un tubercule. Ce sont les fruits d’une fleur qui fane et se retourne dans la terre ! Les fruits du jacquier ne sont pas suspendus à quelques dizaines de mètres du sol, comme l’est toute noix de coco qui se respecte ; ils pendent plutôt, énormes, du tronc même des arbres qui les portent. Le bananier n’est pas un arbre, mais une plante grasse qui ne produit un régime qu’une seule fois, et donne ensuite naissance à de nombreux rejetons !
Pourquoi une telle surprise à chaque découverte ? La réponse m’a été donnée involontairement quelques jours plus tard par Sœur Marie-Catherine. J’ai réalisé, et peut-être partagerez-vous ce jugement, que j’envisageais l’arbre à ananas comme un cocotier... Comme Sœur Catherine qui peignait du vert permanent des arbres laotiens tous les vergers du monde, je concevais tous les arbres exotiques - à mes yeux - comme leur modèle le plus classique pour moi : le cocotier !
PS : Vous objecterez peut-être : à Nice, et donc en France, il y a des palmiers, et les palmiers ressemblent aux cocotiers. Et je vous répondrai : à St-Quentin dans l’Aisne, où se sont érigés mes catégories mentales et autres prototypes arborés, les deux espèces sont plutôt rares – elles ne supportent guère la neige en juillet…
When Sister Marie-Catherine arrived in France in 1947, leaving her native Laos for the first time, her first sight of the French convent that would be her home for a while was not a happy one. In front of her, the trees of the orchard stripped off by a bitter winter conveyed the emotions of a graveyard. One of her first questions to the mother superior was very simple: “why don’t you take good care of the trees here?” In Laos, most plants remain green all year round, and Sister Catherine had never seen winter before…
Some days ago, I was sitting in the front passenger seat of a pick-up, being driven along the road between Savannakhet and Seno by one of my project managers. On one side, I noticed for the first time the plants giving pineapples. I had always conceived them as very tall trees, but was very surprised to discover little insignificant things that did not reach half the size of a man… If you’re French, your comment might here be the following one: such a post doesn’t break the four legs of a duck (4-legged ducks make excellent foie gras you know…)… However, in the evening, I found myself pondering over my astonishment. I had never seen pineapple trees before; why had I been so surprised to witness such a little vegetable?
Thinking further along the way, in around 10 months in Southeast Asia, that was my entire vegetal universe which had crumbled down. Cashew nuts are in fact fruits; the large appendage on top of them, full of sweet juice but horribly astringent, isn’t! Peanuts grow in the ground, but aren’t born from a tubercle; they’re the fruits of a flower which withers and rolls back to the ground! Jackfruits are not suspended tens of meters above the ground like any coconut with a decent attitude; they just hang, huge and placid, from the trunk of the trees bearing them! The banana tree is not a tree, but a succulent that only gives one bunch, then dies after giving birth to a handful of descendants!
Why such a surprise? The answer was involuntarily offered by Sister Marie-Catherine a few days later. I realized, and maybe you’ll share this feeling, that I saw pineapple trees as coconut trees. Just like Sister Catherine who would paint in the evergreen color of Laotian trees all the orchards of the world, I thought of all exotic – to my eyes – trees as their most prototypic example to me: the coconut tree!
P.S.: You’ll perhaps raise the following argument: in Nice, and therefore in France, there are palm trees, and palm trees look very much like coconut trees! But I’ll then answer you: in St-Quentin, far far in northern France, among polar bears and orcas, where my mental categories and other tree prototypes were built, the two species are rather rare – they don’t bear snow in July…
Il y a quelques jours, j’étais installé sur le siège passager du 4x4 d’un de mes responsables de projets. Nous roulions le long de la route qui mène de Savannakhet à Seno et sur un bord de celle-ci, j’aperçus pour la première fois les plantes qui donnent des ananas. Moi qui imaginais un arbre de bonne taille, quelle n’a pas été ma surprise de trouver des plants n’arrivant pas à mi-hauteur d’homme… Une découverte qui ne passe pas 4 pattes à un canard, me direz-vous, ni 9 pattes à une araignée d’ailleurs. Toutefois, le soir, je me pris à réfléchir à mon étonnement. Je n’avais jamais vu d’arbre à ananas avant ; pourquoi avais-je été surpris de découvrir un si petit végétal ?
A y réfléchir plus avant, en quelques dix mois ici, c’était en fait tout mon univers végétal qui s’était effondré. Les noix de cajou sont en fait des fruits ; le gros appendice gorgé de jus sucré et horriblement astringent qui les surplombe n’en est pas un lui ! Les cacahuètes poussent dans la terre, mais ne naissent pas d’un tubercule. Ce sont les fruits d’une fleur qui fane et se retourne dans la terre ! Les fruits du jacquier ne sont pas suspendus à quelques dizaines de mètres du sol, comme l’est toute noix de coco qui se respecte ; ils pendent plutôt, énormes, du tronc même des arbres qui les portent. Le bananier n’est pas un arbre, mais une plante grasse qui ne produit un régime qu’une seule fois, et donne ensuite naissance à de nombreux rejetons !
Pourquoi une telle surprise à chaque découverte ? La réponse m’a été donnée involontairement quelques jours plus tard par Sœur Marie-Catherine. J’ai réalisé, et peut-être partagerez-vous ce jugement, que j’envisageais l’arbre à ananas comme un cocotier... Comme Sœur Catherine qui peignait du vert permanent des arbres laotiens tous les vergers du monde, je concevais tous les arbres exotiques - à mes yeux - comme leur modèle le plus classique pour moi : le cocotier !
PS : Vous objecterez peut-être : à Nice, et donc en France, il y a des palmiers, et les palmiers ressemblent aux cocotiers. Et je vous répondrai : à St-Quentin dans l’Aisne, où se sont érigés mes catégories mentales et autres prototypes arborés, les deux espèces sont plutôt rares – elles ne supportent guère la neige en juillet…
When Sister Marie-Catherine arrived in France in 1947, leaving her native Laos for the first time, her first sight of the French convent that would be her home for a while was not a happy one. In front of her, the trees of the orchard stripped off by a bitter winter conveyed the emotions of a graveyard. One of her first questions to the mother superior was very simple: “why don’t you take good care of the trees here?” In Laos, most plants remain green all year round, and Sister Catherine had never seen winter before…
Some days ago, I was sitting in the front passenger seat of a pick-up, being driven along the road between Savannakhet and Seno by one of my project managers. On one side, I noticed for the first time the plants giving pineapples. I had always conceived them as very tall trees, but was very surprised to discover little insignificant things that did not reach half the size of a man… If you’re French, your comment might here be the following one: such a post doesn’t break the four legs of a duck (4-legged ducks make excellent foie gras you know…)… However, in the evening, I found myself pondering over my astonishment. I had never seen pineapple trees before; why had I been so surprised to witness such a little vegetable?
Thinking further along the way, in around 10 months in Southeast Asia, that was my entire vegetal universe which had crumbled down. Cashew nuts are in fact fruits; the large appendage on top of them, full of sweet juice but horribly astringent, isn’t! Peanuts grow in the ground, but aren’t born from a tubercle; they’re the fruits of a flower which withers and rolls back to the ground! Jackfruits are not suspended tens of meters above the ground like any coconut with a decent attitude; they just hang, huge and placid, from the trunk of the trees bearing them! The banana tree is not a tree, but a succulent that only gives one bunch, then dies after giving birth to a handful of descendants!
Why such a surprise? The answer was involuntarily offered by Sister Marie-Catherine a few days later. I realized, and maybe you’ll share this feeling, that I saw pineapple trees as coconut trees. Just like Sister Catherine who would paint in the evergreen color of Laotian trees all the orchards of the world, I thought of all exotic – to my eyes – trees as their most prototypic example to me: the coconut tree!
P.S.: You’ll perhaps raise the following argument: in Nice, and therefore in France, there are palm trees, and palm trees look very much like coconut trees! But I’ll then answer you: in St-Quentin, far far in northern France, among polar bears and orcas, where my mental categories and other tree prototypes were built, the two species are rather rare – they don’t bear snow in July…
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